Stéphane VAQUERO, Les ateliers de la domination scolaire, Paris, La Dispute, 2022.

Certains voient dans les dispositifs « par projets » (Travaux personnels encadrés, grand oral, etc.) une possibilité de former les élèves à l’autonomie, de préparer à l’enseignement supérieur ou au monde du travail ; d’autres y voient un moyen d’ouvrir l’école sur des thématiques quotidiennes, d’enseigner « autrement » ou de lutter contre les difficultés scolaires. Mais au-delà des convictions de chacun, on mesure peu les effets scolaires et sociaux de ces dispositifs. En articulant l’histoire de ces dispositifs, leur mise en œuvre dans les établissements scolaires et le travail quotidien des élèves et des enseignants, Stéphane Vaquero montre le caractère très ambivalent des injonctions contemporaines à l’originalité, à l’autonomie ou à la critique. Même s’ils restent minoritaires dans les emplois du temps, ces dispositifs qui se développent à côté des cours disciplinaires constituent une évolution structurelle des cursus scolaires. L’ouvrage montre comment ces exigences, dès lors qu’elles sont peu cadrées par les savoirs scolaires, peuvent paradoxalement nourrir les formes contemporaines de distinction culturelle et de domination scolaire qu’elles sont censées amoindrir.


Sophie Orange, Fanny RENARD, Des femmes qui tiennent la campagne, Paris, La dispute, 2022.

Face au retrait de l’État social des campagnes, une « bande de femmes » participe à tenir les services essentiels : petite enfance (assistantes maternelles, ATSEM), enfance (auxiliaires de vie scolaire, enseignantes), grand âge (aides à domicile, aides-soignantes). Face à la disparition des cafés et des lieux de sociabilité traditionnels, une armée de réserve de bénévoles au féminin s’engage dans l’animation des associations et des institutions locales : bibliothèques municipales, associations de parents d’élèves, clubs sportifs, casernes de pompiers, etc.
Face à la fermeture des commerces de proximité, quelques professions résistent malgré tout dans les communes, comme les coiffeuses et esthéticiennes. Et si elles tiennent la campagne, c’est que des institutions locales comme l’école, les missions locales, les entreprises ou encore les collectivités territoriales n’ont pas intérêt à ce qu’elles la quittent.
Appuyé sur une enquête par entretiens auprès de jeunes femmes âgées de 20 à 30 ans, ce livre donne à voir leur contribution au dynamisme des villages, à la solidarité intergénérationnelle et au marché du travail en zone rurale, mais encore des ressources qu’elles déploient pour résister aux dominations sociales et masculines.


Joachim BENET et Séverine DEPOILLY (dir.), Inégalité de genre dans l’enseignement et la formation professionnels, Presses Universitaires du Septentrion, 2022, 256

L’enseignement et la formation professionnels forment chaque année des jeunes femmes et des jeunes hommes en lycée professionnel, en centre d’apprentis et dans le supérieur. Mais qui forme-t-on à quoi ? Comment se distribuent femmes et hommes dans l’enseignement et la formation professionnels ? Quelles conditions de formation s’imposent aux unes et autres ? Si ces segments du système de formation sont des observatoires privilégiés des inégalités entre les sexes en train de se faire, ils permettent aussi de saisir comment et à quelles conditions ces inégalités peuvent se déplacer, se renouveler, se transformer. À la croisée d’une sociologie de l’éducation, de la formation et du travail, les contributions permettent de comprendre les processus par lesquels opère la reproduction des inégalités entre les sexes. Analyser la place des femmes et des hommes en formation, c’est aussi s’intéresser aux changements, à celles et ceux qui tentent de résister, de s’émanciper des places auxquelles on les assigne, des rôles qu’on leur attribue. Cet ouvrage propose de se saisir de ces questions à partir d’enquêtes sociologiques et historiques récentes, dans les contextes de formation français et suisses.


Numéro 12 de la revue Images du travail, travail des images, février 2022.

Ce nouveau numéro comprend notamment un dossier thématique « Images, travail et syndicalisme » coordonné par Sophie Béroud et David Hamelin. Tout au long de son histoire, ancienne ou récente, le syndicalisme, qu’il soit salarié, agricole, étudiant ou patronal, catégoriel ou interprofessionnel, local national ou international… a généré, conçu mais aussi diffusé des images du travail en nombre croissant et diversifié. Ces images sont d’autant plus difficiles à quantifier et à recenser que la structuration du syndicalisme est complexe (avec des structures professionnelles et territoriales) et que les supports (dessins, affiches, drapeaux, sculptures, peintures, photographies, films, reportages, documents numériques…) comme les techniques n’ont cessé de se diversifier. Pourtant, malgré une production des plus abondantes, l’étude des images du travail produites au sein du mouvement syndical n’a fait que très peu l’objet de travaux et analyses.

Ce nouveau numéro comprend également un article en varia, un « Grand entretien » et plusieurs articles dans les rubriques « Images en chantier », « Un œil, une image » et « Comptes rendus ».


Gilles MOREAU, S’asseoir et se regarder passer. Itinéraire(s) d’un sociologue de province. Paris, La Dispute, 2022, 260 p.

Comment une origine rurale, un père garde champêtre, une mère sans diplôme et un militantisme post-68 fabriquent un professeur d’université ?

Ouvrage singulier, S’asseoir et se regarder passer postule que l’histoire d’un individu ne lui appartient pas et n’est donc compréhensible qu’en mobilisant des cadres d’analyse, ici ceux de la sociologie, comme garde-fous pour que se raconter ne devienne pas panégyrique.

D’une enfance campagnarde à la découverte des inégalités sociales, d’un passage par une maison des jeunes et de la culture au souci de comprendre les destins sociaux, ce récit, teinté d’auto-socioanalyse, esquisse en contre-point plusieurs histoires sociales : la génération post-68, l’histoire souvent oubliée des luttes antimilitaristes des années 1980, et celle de la sociologie dans une université de province, aux temps pas si lointains où l’informatique était encore balbutiante, des générations et des institutions se révèlent les clés d’un chemin qui a conduit vers des continents qui n’étaient pas ceux attendus ou probables.