Olivier MASCLET, La gauche et les cités. Enquête sur un rendez-vous manqué, Paris, La découverte, 2021, 376 p.

Il y a vingt ans, l’élection présidentielle du 21 avril 2002 révélait le fossé entre la gauche et les électeurs des classes populaires. Dans les banlieues, le divorce était entériné : plus que l’élévation des scores du Front national, la montée de l’abstention et le désintérêt à l’égard de la politique institutionnelle sont devenus la norme. Pourquoi cette rupture entre la gauche et les cités ? À rebours des analyses misérabilistes sur les quartiers populaires, Olivier Masclet montre que, dans les cités, se produit et se renouvelle un certain rapport à la politique. Des porte-parole, souvent issus de l’immigration, continuent d’émerger, susceptibles d’incarner pour la jeunesse de ces quartiers un modèle de mobilisation et de promotion collectives par l’action politique. L’auteur s’interroge dès lors sur l’exclusion progressive de ces « militants de cité » du champ politique local. Cet ouvrage révèle les conditions du rendez-vous manqué entre la gauche municipale et les cités : les quartiers économiquement déshérités le sont aussi politiquement.

Alors que cette désaffection ne cesse de se confirmer, Olivier Masclet reprend son analyse, souligne les persistances de certains blocages et éclaire quelques évolutions notoires.


Charlène ARGUENCE, Aziza CHIHI, Clémence MICHOUX, Fabienne MONTMASSON-MICHEL, Nina MOUBEYI-KOUMBA, Guillaume TEILLET (dir.), Les frontières du privé. Un travail du social, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2021.

Nombre de transformations sociales récentes nourrissent des questionnements concernant le « privé » et ses frontières: nouvelles formes d’emploi, place des secteurs privés et publics dans l’organisation sociale, extension des technologies numériques à de plus en plus de domaines de la vie courante, demande accrue de protection de la vie privée, mais aussi dans la vie privée avec, notamment, les dénonciations des violences intrafamiliales. Aussi diverses soient-elles, ces évolutions ont en commun d’interroger le privé depuis ses frontières, qu’il s’agisse d’affirmer le besoin de les durcir, de les protéger, de les effacer ou encore de les déplacer. Le champ académique ne fait pas exception pour ses usages plurivoques du terme. Quand bien même l’expression « privé » renvoie à des registres différents, cet ouvrage fait le pari de fonder sa problématique sur les frontières en tant que lieu pertinent de questionnement du privé… ou plutôt des privés.

Quatorze chapitres issus d’enquêtes récentes sur des terrains et des objets diversifiés composent ainsi l’ouvrage: privatisation des services publics au Royaume-Uni ; pénétration de l’enseignement privé dans l’offre publique d’éducation secondaire en France; différenciation historique des affaires « privées » et « publiques » ou du droit « public » et du droit « privé » ; reconfigurations des frontières du privé dans l’espace domestique des classes populaires ou chez les personnes mal-logées ; « espaces propres » de jeunes femmes en milieu rural; régulation des désordres familiaux par la justice ; effets des technologies numériques sur la vie intime des femmes; effet des technologies médicales sur leur vie professionnelle; relations d’enquête façonnées par le privé des chercheurs, des chercheuses et celui des enquêté·e·s. Ces différents travaux de recherche ont en commun de donner à lire la manière dont le privé, à la fois relationnel, processuel et politique, ordonne la réalité, au sein d’une pluralité d’espaces sociaux.


Numéro 11 de la revue Images du travail/Travail des images, février 2021.

Ce nouveau numéro comprend un dossier intitulé « Travailler dans la rue », coordonné par Henri Eckert et Arnaud MègeIl comprend également deux articles en varia, un « Grand entretien » et plusieurs articles dans les rubriques « Un œil, une image » et « Comptes rendus ».


Pierig HUMEAU, A corps et à cris. Sociologie des punks français, Paris, CNRS Editions, 2021, 368 p.

Crêtes multicolores, vestes à clous, pantalons issus de surplus militaires, bouteilles de bières entassées, No Future, voix et musique saturées rythmant le pogo d’une foule bariolée : le mot « punk » charrie à lui seul son lot d’images toutes faites. Par-delà les clichés, comment ce style musical venu de New-York et de Londres s’est-il implanté en France ? Si le mouvement punk connaît son âge d’or dans les années 1980, avant d’être supplanté sur la scène médiatique par d’autres musiques contestataires, il n’en demeure pas moins prégnant dans certains espaces sociaux et géographiques. Mais qui devient punk ? Où ? Comment ? De quelle vision du monde cette musique est-elle le vecteur ? En quoi est-elle aussi un mode de vie, placé sous le signe du Do It Yourself, qui offre un point de vue décalé sur la société française et ses évolutions ?
Pour comprendre les multiples facettes du punk et retracer son histoire, cette enquête au long cours mobilise tous les outils de la sociologie : observation participante, analyses statistiques, entretiens et suivi dans la durée de nombreuses trajectoires individuelles d’amateurs comme de musiciens. Ouvrant les portes d’un monde à part, elle parvient de la sorte à reconstituer les logiques sociales expliquant la genèse, l’organisation et la persistance d’une musique qui est aussi un style de vie.


N° 88 de la revue AGORA Débats/Jeunesses, 2021. Dossier « Étudiants en mobilité internationale : s’installer en France ou rentrer au pays ? » coordonnée par Henri ECKERT et Jean-Luc Primon

Venus en France pour y poursuivre leurs études supérieures, les étudiants en migration internationale sont censés retourner dans leur pays après l’obtention de leur diplôme. S’il en va ainsi pour une grande part d’entre eux, une autre part, non négligeable, tend à prolonger son séjour puis à rester sur place, parfois définitivement : pour quelles raisons ? La question du « pourquoi » mérite d’être posée mais également celle du « comment ». Si les raisons de s’installer en France sont multiples, nous verrons, en lisant ce dossier, comment, au fil de leur séjour, nombre d’étudiants et d’étudiantes s’habituent à vivre en France alors que leurs liens avec leur pays d’origine se distendent…


Choukri BEN AYED (dir.),  Grande pauvreté, inégalités sociales et école. Sortir de la fatalité, préface de Philippe Joutard, Berger Levrault, 2021, 256 p.

Trois millions d’élèves ont des parents pauvres : soit 1 jeune sur 5 ! Comment bien apprendre lorsqu’on est mal logé ? Que l’on porte des vêtements mal adaptés à la saison ? Que l’on n’a pas pris de petit déjeuner ? Que l’on est mal soigné ? Que l’on ne peut pas partir avec les copains en voyage scolaire ? Quand on vit dans un logement surpeuplé ou insalubre ? Les conditions d’enseignement au moment du confinement ont mis en lumière les écarts sociaux face aux apprentissages et au suivi de scolarité. Les inégalités sociales ont massivement fait leur retour dans l’analyse de la « continuité pédagogique ». Or, l’école, supposée proposer des correctifs, creuse les inégalités et ne parvient pas à lutter contre les déterminismes. Cet ouvrage original réunit des contributeurs d’horizons variés. S’il se veut réaliste dans ses constats parfois sombres, il vise à montrer ce que font positivement les acteurs éducatifs. Il veut amener le lecteur vers la possibilité d’une école plus humaniste et plus égalitaire. Il pose d’abord les éléments de cadrage et propose au lecteur un ensemble de données statistiques et historiques sur la situation de l’école française en matière d’inégalités. Puis, il ouvre des perspectives concernant les facteurs de réussite à partir d’exemples concrets de terrain et donne à voir des pratiques porteuses de belles réussites. Fatalité, j’efface ton nom ! Enfin, il explique comment vaincre les résistances à l’intérieur du système éducatif, en changeant les représentations des enseignants face aux élèves défavorisés, en luttant contre les stéréotypes et en déjouant les stratégies de non-mixité sociale des parents de milieux aisés. Le regard que l’on porte sur les enfants des milieux populaires est déterminant dans les ressorts d’une réussite scolaire digne et respectueuse du pacte républicain.


Numéro 10 de la revue Images du travail/Travail des images, février 2021.

Ce numéro comprend un dossier intitulé « La fiction au travail », coordonné par Pascal Cesaro et Pierre Fournier. Il comprend également deux articles en varia, un « Grand entretien » et plusieurs articles dans les rubriques « Un œil, une image » et « Comptes rendus ». Depuis les débuts du cinéma, les images animées servent à raconter des histoires inventées, des fictions, autant qu’à livrer des chroniques du réel. La magie du cadrage, des jeux d’échelles, du montage fournit des possibilités formidables pour donner corps à des fictions produites par l’imagination autant que la caméra peut tenter de répliquer le réel avec détails dans un projet documentaire soucieux d’authenticité. À première vue, seul le second usage de l’image intéresse les sciences sociales. Ce numéro thématique explore les possibilités de recherche et de formation à la recherche au moyen d’images de fiction (cinéma, télévision ou Web).


Hugo DUPONT, Déségrégation et accompagnement total. Sur la progressive fermeture des établissements spécialisés pour enfants handicapés, Presses universitaires de Grenoble, 2021, 216 p.

La déségrégation des enfants handicapés issus d’établissements spécialisés et leur intégration au sein de l’école ordinaire ont-elles un effet sur la perception et la place du handicap dans notre société ? Chaque rentrée est l’occasion pour les ministres de l’Éducation nationale successifs de rappeler leur souhait de voir les enfants handicapés profiter d’une inclusion au sein de l’école ordinaire. Dans ce but, la circulaire du 2 mai 2017 a planifié la fermeture progressive des établissements spécialisés du secteur médico‑éducatif pour les enfants handicapés. Peut-on dire qu’il s’agit à proprement parler d’une politique d’inclusion de ces enfants en milieu ordinaire qui participe d’une désinstitutionnalisation du handicap ? Hugo Dupont s’empare de l’actualité de la réforme, interroge les professionnels, les enseignants, les parents pour comprendre les enjeux qui se cachent derrière cette promesse de déségrégation et d’inclusion présentée comme un nouveau régime de protection sociale des enfants handicapés.


Sophie Béroud, Martin THIBAULT, En luttes ! Les possibles d’un syndicalisme de contestation, Raisons d’agir, mars 2021, 224 p.

Le mouvement des Gilets jaunes, d’abord éloigné des syndicats, est un révélateur inattendu de leurs difficultés. Englués dans le « dialogue social », incapables de faire plier les gouvernements successifs, pris dans des enjeux de rivalités internes, ils peinent à élargir leur base sociale et à peser sur les mobilisations.
Depuis près de trente ans une organisation, les SUD, devenus Solidaires, développe pourtant des pratiques plus horizontales et démocratiques et affirme le retour d’un syndicalisme de contestation. Elle rencontre toutefois des obstacles imprévus : comment avoir du poids institutionnel sans s’institutionnaliser ? Comment réussir à servir davantage les intérêts immédiats des salariés sans devenir des professionnels du syndicalisme et en rabattre sur la radicalité du combat ?
Pour éclairer ces transformations profondes, ce livre s’appuie sur une enquête sociologique au long cours qui retrace l’enthousiasme et l’âpreté de parcours militants en les resituant dans les grands mouvements sociaux des vingt dernières années. Au-delà du cas de Solidaires, il témoigne de la capacité des organisations syndicales, confrontées à un monde du travail de plus en plus fragmenté et dérégulé, à rendre aux conflits salariaux un rôle moteur et œuvrer ainsi à des revendications plus larges d’émancipation et de transformation politique.