• Doctorante en sociologie à l'Université de Limoges

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Thèse

Titre de la thèse : Les descendants des exilés de la « décennie noire . Trajectoires sociales, transmissions familiales et appartenances politiques et religieuses en France et au Canada

Direction : Jennifer Bidet et Olivier Masclet

Résumé :

Cette thèse porte sur les descendants des Algériens exilés en France et au Canada durant la guerre civile des années 1990-2000, période communément appelée la « décennie noire ». La violence exercée sur la population a particulièrement visé les intellectuels, journalistes, artistes, universitaires et militants associatifs. Si leur exil a été documenté, le devenir de leurs enfants reste à ce jour inexploré. La thèse entend interroger leurs trajectoires sociales et les effets sociaux, politiques et religieux, d’un exil transmis au sein de l’espace familial. La comparaison des situations vécues entre les contextes français et canadiens est cruciale dans ce projet, compte tenu des histoires très différentes qui lient ces deux pays à l’Algérie et de leur modèle d’accueil des populations immigrées (modèle intégrationniste pour la France et multiculturaliste pour le Canada). Elle permettra de mieux comprendre comment les descendants des exilés de la « décennie noire » négocient leurs appartenances et leurs engagements dans des sociétés d’accueil traversées par des inégalités et des discriminations.

Dans la continuité d’un renouveau de la sociologie des migrations attentives aux trajectoires sociales sur plusieurs générations, ce projet propose d’abord une contribution à la sociologie des trajectoires scolaires et professionnelles des descendants de migrants. Il contribue aussi à la sociologie de la transmission familiale en s’inscrivant dans les approches récentes qui considèrent les récits familiaux comme des constructions sociales situées (Billaud S. et al). La thèse cherchera à identifier les conditions sociales favorisant les appropriations des récits familiaux de la « décennie noire » ou au contraire à s’en détourner. Enfin, ce projet se présente comme une contribution à la sociologie politique et religieuse. La mémoire des souffrances subies fabrique-t-elle, en France comme au Canada, des dispositions à l’engagement associatif ou politique ? Comment les descendants des exilés de la « décennie noire », dont les parents ont soit fui l’islamisme politique, soit fait partie des militants pour un état islamique en Algérie, considèrent-ils l’affirmation musulmane observée aujourd’hui tant en France qu’au Canada ?

L’enquête s’appuiera sur une méthode qualitative fondée sur des portraits de familles, permettant de comparer les trajectoires sociales entre générations (parents et enfants) mais aussi entre membres d’une même adelphie. Environ vingt portraits de familles seront réalisés, répartis entre la France et le Canada. Ils seront conçus au moyen d’entretiens répétés avec les parents et chacun des enfants, afin de saisir la diversité des récits mémoriels, des trajectoires scolaires et professionnelles, des formes d’engagement politique ou religieux et des expériences vécues des discriminations. Ce corpus qualitatif sera complété par l’exploitation statistique de différentes bases de données, afin de situer cette population au sein de l’ensemble des descendants de l’immigration algérienne et d’objectiver certains aspects de leurs trajectoires : niveaux de diplôme, accès à l’emploi, expériences de discrimination, positionnements identitaires ou rapports au religieux et au politique. L’analyse statistique permettra ainsi de repérer des régularités et de mettre en perspective les matériaux issus de l’enquête qualitative.