• Doctorante en sociologie à l'Université de Poitiers

Thèse de sociologie

— Titre : Quand le médico-social adresse aux enseignant∙es : enjeux, rapports de pouvoir et différenciation sociale des parcours juvéniles.

— Direction : Mathias Millet et Guillaume Teillet

— Résumé :

L’histoire de la massification scolaire montre qu’à chaque nouveau palier de la scolarisation émergent de nouveaux dispositifs favorisant l’intervention de professionnel∙les (de soin, thérapeutes, de l’éducation spécialisée) à l’origine de nouvelles catégories d’élèves posant problème à l’institution scolaire (Muel, 1975 ; Pinell & Zafiropoulos, 1983). Ainsi, à partir de la fin du XIXe siècle, les schèmes et registres médico-psychologiques (en partie issus de l’univers médico-social) s’imposent progressivement à l’école comme modes de lecture de l’échec scolaire (Morel, 2014). Si la régulation des élèves les plus éloigné.es des logiques scolaires s’est historiquement traduite par des prises en charge individualisées des élèves, le paradigme inclusif renouvèle en partie la question de l’interprétation de la difficulté scolaire. En effet, celui-ci ne conduit pas les professionnel∙les du médico-social à agir auprès des seuls élèves et de leurs difficultés, mais en direction des pratiques enseignantes elles-mêmes, pour en transformer ou en réorienter les logiques.

Cette thèse s’attachera (axe 1) à comprendre la façon dont le médico-social – ses schèmes de perception et pratiques – s’est imposé historiquement au plus près des pratiques enseignantes ; elle visera, au-delà, l’analyse des points de recoupement entre politiques du handicap et politiques scolaires ainsi que les catégories mobilisées pour décrire ces réalités institutionnelles, aboutissant à la prise en charge des pratiques enseignantes. Elle interrogera ensuite (axe 2) le rôle tenu par les inspecteur∙rices de circonscription, expert.es de la didactique et de l’évaluation des enseignant.es et de leurs pratiques (Rayou, 2015) dans les décisions de recours à des dispositifs d’inclusion scolaire et renvoie à interroger ses conditions. La thèse saisira ensuite (axe 3) les pratiques des professionnel∙les du médico-social et la façon dont elles modèlent le travail des agent∙es scolaires dans le contexte des apprentissages scolaires. Il conviendra de comprendre comment et jusqu’à quel point cette immixtion du médico-social au cœur même des pratiques des enseignant.es participe d’une modification du mandat socio-professionnel de ces dernier∙ères (Morel, 2016), les conduisant à prendre en charge la socialisation de dispositions et de savoirs de l’ordre du « travail de (sur) soi » via la maîtrise de leurs émotions et de celles de leurs élèves, au détriment des solutions didactiques. Enfin la thèse cherchera à comprendre (axe 4) ce que cette configuration scolaire spécifique produit tant sur les élèves concerné∙és et les apprentissages (dans la réalisation d’activités relevant de la pratique de différenciation pédagogique notamment) que sur leur trajectoire.

Notre analyse s’appuiera sur l’étude des dispositifs d’intervention d’Equipe Mobile d’Appui à la Scolarisation des élèves en situation de handicap (EMAS). Le dispositif d’enquête mis en place combinera différentes méthodes et matériaux. Il mobilisera d’abord un travail d’analyse socio-historique permettant de replacer ces dispositifs scolaires dans le cadre du contexte politique et scolaire inclusif à partir de diverses sources (rapports politiques et institutionnels, archives d’associations et d’appels à projets, etc.) La thèse reposera ensuite sur une approche ethnographique associant observations et entretiens. Des observations seront réalisées tout au long des interventions de l’EMAS, prenant en compte les temps formels (réunions) mais aussi informels (débriefings durant les pauses, interactions entre les professionnel∙les, etc.). En complément, des observations seront réalisées dans les classes afin de saisir spécifiquement les pratiques des agent∙es scolaires et agent.es de l’EMAS dans le contexte des apprentissages scolaires. Ces observations permettront notre immersion au sein des classes mais aussi d’appréhender les conceptions « en actes » (Millet, Croizet, 2016) des agent∙es scolaires et de l’EMAS. Nous procèderons également à des entretiens ethnographiques avec les inspecteur∙rices de l’Education Nationale (IEN) pour comprendre leurs représentations des difficultés scolaires rencontrées sur le territoire et la perception qu’ils et elles ont de celles-ci. Nous conduirons également des entretiens avec chacun∙e des agent.es scolaires (AESH[1], ATSEM[2], enseignant∙es) afin d’objectiver leur rapport aux difficultés scolaires de leurs élèves, tenant compte de la division sociale du travail de classe (Morel, 2016 ; Garnier, 2016) et de leur point de vue (Lahire, 1998).

[1] Accompagnant.es des Elèves en Situation de Handicap

[2] Agent.es Territoriaux des Ecoles Maternelles.

— Rapport de recherche :

MÉNIGOT Laura, « L’approche systémique comme injonction au maintien de la scolarisation des élèves en situation de handicap », mémoire de soutenance de Master, Intervention Sociale et Territoriale, sous la direction de Mathias Millet, septembre 2022. Mention très bien.