Journées organisées par Séverine Depoilly, Fanny Renard et Mathias Millet.
Résumé des journées :
Lors de ces journées, il s’agira de revenir sur l’expression en usage de « pédagogie de l’alternance » en faisant en sorte de la prendre au mot sur un plan historique et sociologique. Il est en effet d’usage, dans les travaux sur la formation professionnelle, de parler de « pédagogie de l’alternance », ce qui laisse entendre que l’alternance est une pédagogie ou porte un projet proprement pédagogique. Or, d’une part, si de nombreux travaux évoquent cette question de l’alternance et de la pédagogie de l’alternance, cette dernière est rarement placée au centre de l’objet, et la description des modes de transmission, de la nature des savoirs et des méthodes qui lui sont associés est le plus souvent passée sous silence. D’autre part, on peut se demander dans quelle mesure l’alternance, comme mode de formation, relève d’un véritable projet pédagogique ou plus simplement d’une « pédagogie » – au sens où une relation pédagogique, comme l’a montré Guy Vincent, s’invente dans l’ancienne Europe comme relation autonome, distincte des autres temps et lieux sociaux (et donc du travail), associée à des conceptions de l’enfance, des savoirs organisés à l’écrit, codifiés et des méthodes de transmission formalisées (règles, exercices, logiques de progression, etc.) – ou si l’expression est une simplification de langage. Car, en effet, les travaux conduits sur ces questions soulignent souvent combien l’alternance a pu être, historiquement, un compromis bien davantage qu’un projet sinon pédagogique du moins de formation.
Ce questionnement constituera le fil directeur des journées. Il s’agira de voir dans quelle mesure l’alternance porte ou non un projet pédagogique, de se servir de la notion de « relation pédagogique » liée à la forme scolaire pour interroger les contenus et les modes de formation associés à l’alternance, de se demander à partir de quels moments parler de pédagogie de l’alternance devient une contradiction dans les termes, travestissant la réalité ou faisant injustice interprétative. Au-delà, l’intérêt est de faire un état des lieux historiques et sociologiques de ces pratiques souvent nommées et convoquées, mais plus rarement prises de front comme objet d’étude à part entière ; et d’examiner quels savoirs professionnels sont acquis en entreprise et comment. Le sujet apparaît d’autant plus « brûlant » et important que l’alternance est l’objet d’un travail idéologique et politique contemporain tous azimuts visant à la promouvoir comme la solution à bien des problèmes, en particulier celui du chômage des jeunes, et comme manière plus efficace et « moderne » que l’école de former les nouvelles générations à l’emploi, l’entreprise, l’entrepreneuriat, etc.
Programme des journées :
Jour 1 : 13 mars 2025
9h : accueil
9h30-9h50 : introduction des journées
9h50 : Ouverture : Stéphane Lembré (IRHiS, Université de Lille), « Les histoires de l’alternance »
10h50 : I. Table ronde : Les fondations historiques de l’alternance : compromis ou projet pédagogique ? — Animation Fabienne Maillard (CIRCEFT-ESCOL, Université Paris 8)
— Guy Brucy (Université de Picardie-Jules Verne), « Du « système alternatif » à la « pédagogie de l’alternance » : pour qui ? par qui ? pour quoi ? »
— Joachim Benet-Rivière (GRESCO, Université de Poitiers), « Une sociohistoire des fonctions sociales des formations en alternance dans les Maisons Familiales Rurales et de leurs acteurs »
— Emmanuel Quenson (Centre Pierre Naville, Université Evry-Val-d’Essonne), « L’alternance dans les écoles d’entreprises : projet pédagogique ou projet politique ? »
12h30 : repas
14h : II. Table ronde : Regards croisés sur la pédagogie de l’alternance — Animation : Lorenzo Bonoli (HEFP, Université de Lausanne)
— Gilles Moreau (GRESCO, Université de Poitiers), « Retour sur la condition apprentie »
— Sven Steffens (Université libre de Bruxelles), « L’apprentissage en entreprise entre appropriation des savoir-faire et socialisation professionnelle »
— Vincent Troger (CREN, Université de Nantes), « L’impensé de l’alternance à l’origine de l’enseignement professionnel »
15h40 : pause
16h : III. Table ronde : De quoi la pédagogie de l’alternance est-elle faite ? Logiques de formation, curricula et relation école – entreprises — Animation : Nicolas Divert (ECP, Université Lyon 2)
— Abdelkarim Zaid (CIREL, Université de Lille), « La formation d’ingénieurs en alternance : entre temporalité prescrite et temporalités vécues »
— Catherine Agulhon (CERLIS, Université Paris Descartes), « De la résistance à l’avènement des stages dans les années 80 à leur omniprésence aujourd’hui »
— Meryl Merran (CSO, Sciences Po Paris), « Penser la formation des apprentis en entreprise : entre forme scolaire et socialisation professionnelle ».
Jour 2 : 14 mars 2025
9h : Table ronde IV : Les produits de l’alternance. Ce que l’alternance fait aux apprentis (1) – Animation : Barbara Duc (HEFP, Université de Lausanne)
— Fanny Renard (GRESCO, Université de Poitiers), « La scolarisation de l’apprentissage en CAP coiffure… et ses limites »
— Arnaud Pierrel (IDHES, Université Paris Nanterre), « Le travail plutôt que l’école d’ingénieurs ? Les formes masculines et féminines d’adhésion à l’apprentissage ingénieur »
— Charlotte Moquet (GRESCO, Université de Poitiers), « Ce que produisent les stages sur les élèves de SEGPA »
10h50 : Table ronde V : Les produits de l’alternance. Ce que l’alternance fait aux apprentis (2) — Animation : Sophie Orange (CENS, Université de Nantes)
— Aymeric Le Corre (GRESCO, Université de Poitiers), « L’alternance nuit-elle à la santé ? Le cas de la métallurgie néo-aquitaine »
— Charline Brandy (GRESCO, Université de Limoges), “Des garagistes à l’école de la réussite. Ethnographie de classes de techniciens automobiles en CFA”
— Mathilde Romanens (HEFP, Université de Lausanne), « Ce que la socialisation à la santé et sécurité au travail en contexte de formation dual suisse fait aux apprenti-e-s : entre exposition aux risques professionnels et stratégies de préservation »
12h30 : repas
14h : Clôture des journées — Animation : Marie-Hélène Jacques (FRED, Université de Limoges)
- A) : Perspectives critiques depuis le modèle Suisse
— Nadia Lamamra (HEFP, Université de Lausanne), « Peut-on vraiment parler de pédagogie de l’alternance dans le système dual suisse? »
— Roberta Besozzi (SUPSI, Haute école spécialisée de Suisse italienne), « La formation en entreprise : regards croisés issus des postures de formateurs et formatrices sur la tension entre projet pédagogique et logiques du travail »
- B) : Synthèse finale et perspectives critiques du point de vue du LP et du modèle artisanal
— Henri Eckert (GRESCO, Université de Poitiers), « Discipline scolaire et/ou discipline industrielle ? »
— Marc Suteau (CENS, Unisersité de Nantes), « Le métier plutôt que l’école, ressort principal de la « pédagogie de l’alternance » dans les formations artisanales (1940-1970)« .
Fin