Conférence de Fabien Truong : Jeunesses françaises

Le département de sociologie organise le mardi 22 mars 2016, à partir de 14h30, en amphi Descartes (Hôtel Fumé) une conférence autour de l’ouvrage Jeunesses françaises. Bac+5 made in banlieues (La Découverte, 2015) en présence de l’auteur, Fabien Truong.
Ancien prof de lycée dans le « 9-3 » devenu sociologue, Fabien Truong a pendant dix ans – des émeutes de 2005 aux attentats de janvier 2015 – suivi et accompagné une vingtaine d’anciens élèves, du bac jusqu’à la fi n de leurs études. Tour à tour prof, enquêteur, témoin, conseiller et confi dent, il dresse ici le portrait tout en finesse d’une certaine jeunesse française, celle des banlieues populaires issues de l’immigration.
Loin des clichés médiatiques, du fatalisme politique ambiant et des prophéties catastrophistes de la « désintégration sociale », ce livre observe la dilution quotidienne de cette jeunesse dans la société française. De la fac aux grandes écoles, en passant par les cycles plus courts, ces jeunes incarnent la face cachée d’une passion nationale : sortir de sa condition par l’école. Confrontés au stigmate des origines, à l’impératif de rentabilité assigné aux études longues et à la précarité massive, ils mènent un combat ordinaire pour gagner l’estime de soi et apprendre à naviguer entre les multiples frontières du monde social.
En offrant une véritable plongée dans l’intimité de ces jeunes étudiants en quête d’échappée, ce livre peut se lire aussi comme un récit initiatique, déroulant dans le temps long leurs rêves d’ascension sociale, leurs questionnements identitaires, les peines et les joies de l’apprentissage intellectuel, leur rapport à la religion ou leurs histoires d’amour. Car, dans ces territoires de la République, rien n’est jamais gagné ni perdu d’avance.

Conférence de Nicolas Jounin, Nedjma Cognasse et Laëtitia Mokrani : Voyage de classe. Des étudiants de Seine-Saint-Denis enquêtent dans les beaux quartiers (La Découverte, 2014).

Mercredi 18 novembre 2015, Amphi Descartes, 14h, Hôtel Fumé, Université de Poitiers

Une demi-heure de métro sépare les quartiers parmi les plus pauvres de France de ses zones les plus riches. Partis de Saint-Denis, dans la banlieue nord de Paris, une centaine d’étudiants ont enquêté sur trois quartiers bourgeois du VIIIe arrondissement de la capitale. Pour s’initier à la démarche sociologique, ils ont dû se familiariser avec un monde nouveau et étrange, dont les indigènes présentent des coutumes et préoccupations insolites.
Boire un café dans un palace pour observer ce qui s’y passe (et être traité comme un client illégitime), stationner dans les boutiques de luxe pour décrire leur organisation (et se faire mettre dehors), apprendre à manger un mille-feuilles à 14 euros avec des « bourgeoises », approcher des institutions prestigieuses où les femmes n’ont pas le droit de vote, se faire expliquer le Bottin mondain et l’arrangement des mariages, interviewer dans son hôtel particulier un grand dirigeant qui « fait partie de ces familles qui ont des châteaux un peu partout » : ce sont quelques-unes des expériences que ces étudiants du 93 ont vécues. En même temps qu’il leur a fallu dompter l’exotisme pour bien comprendre le milieu dans lequel ils pénétraient, ils ont dû encaisser l’humiliation des multiples rappels à l’ordre social que suscitait leur démarche.
Des premières incursions anonymes et timides jusqu’aux face-à face sans échappatoire, ce livre raconte de manière crue et joyeuse les batailles livrées pour mieux connaître un monde social dominant. L’enjeu : renverser l’habitude qui veut que ce soit « ceux d’en haut » qui inspectent l’existence de « ceux d’en bas ».


Conférence de Chantal Jacquet : Les transclasses ou la non-reproduction (PUF, 2014)

Mercredi 4 novembre 2016, 14h00, Amphi Bourdieu, Hôtel Fumé, Université de Poitiers.

La théorie de la reproduction sociale admet des exceptions dont il faut rendre compte pour en mesurer la portée. Cet ouvrage a pour but de comprendre philosophiquement le passage exceptionnel d’une classe à l’autre et de forger une méthode d’approche des cas particuliers. Il analyse les causes politiques, économiques, sociales, familiales et singulières qui concourent à la non-reproduction sociale, ainsi que leurs effets sur la constitution des individus transitant d’une classe à l’autre.
À la croisée de l’histoire collective et de l’histoire intime, cette démarche implique de cerner la place dans la classe, le jeu des affects et des rencontres, le rôle des différences sexuelles et raciales. Elle invite à briser l’isolement disciplinaire pour appréhender la singularité au carrefour de la philosophie, de la sociologie, de la psychologie sociale et de la littérature. Elle requiert la déconstruction des concepts d’identité sociale et personnelle au profit d’une pensée de la complexion et du métissage des déterminations. À travers la figure du transclasse, c’est ainsi toute la condition humaine qui est éclairée sous un nouveau jour.


Conférence d’Alice BARTHEZ sur : « Famille, travail et agriculture. Dynamique du genre et rapport de génération »

Jeudi 31 mars 2011, Amphi 296, 14H, Hôtel Fumé, Université de Poitiers
Affiche conférence

Les femmes du monde agricole refusent la situation qui est la leur, cela va avoir plusieurs conséquences : leur départ du monde agricole, l’augmentation du célibat agricole masculin et l’apparition des « conjointes d’agriculteur » qui ont un emploi à l’extérieur de l’exploitation. Les femmes, épouses d’agriculteur, recherchent une reconnaissance professionnelle à l’extérieur du monde agricole.
Alice Barthez explique que « quand les femmes exercent une profession hors de l’exploitation agricole, elles concrétisent la négation d’une profession pour elles dans une structure familiale de production ; par leur extériorité même elles réfutent l’agriculture en tant que production familiale comme possibilité d’une professionnalisation des femmes en agriculture. Elles dénoncent la structure familiale de production comme le moyen d’assimiler leur activité sur l’exploitation à l’activité domestique avec ce que cela signifie de négation de leur travail »
Les agricultrices ont revendiqué la délimitation de leur travail sur l’exploitation agricole et le refus d’effectuer des tâches de bouche-trou. La reconnaissance d’une collaboration leur a permis de prendre part aux orientations générales et aux décisions dans les exploitations. Dans les années 1960, émerge un statut professionnel celui de la « co-exploitante » dans des formes sociétaires d’exploitation (GAEC, EARL) qui offrent un véritable statut à chacun et chacune de leurs membres. D’après les enquêtes Agreste, 24% des postes d’exploitants professionnels sont occupés par des femmes en 2007 alors qu’elles étaient seulement 12% en 1988. Sur les 682 000 exploitants agricoles en 1988, 79 000 sont des femmes co-exploitantes ou chefs d’exploitation. En 2007, sur les 436 exploitants agricoles, 56 000 sont des femmes chefs d’exploitation et 48 000 des co-exploitantes.


Conférence de Bernard LAHIRE : Franz Kafka. Éléments pour une sociologie de la création littéraire, Paris, éditions La Découverte, 2010.

Jeudi 20 janvier 2011, Amphi 160, 14h30, Hôtel Fumé, Université de Poitiers
Affiche conférence

Est-il possible de percer les mystères de la création littéraire ? La sociologie peut-elle entrer dans la chair même des oeuvres ? Est-elle en mesure de se confronter à des oeuvres particulièrement difficiles, et même étranges, qui découragent plus d’un lecteur et soumettent habituellement à rude épreuve le travail des interprètes ?

Bernard Lahire s’est confronté à un monument de l’histoire littéraire. Considéré comme l’un des grands représentants mondiaux de la littérature d’avant-garde, Franz Kafka a laissé une oeuvre jugée le plus souvent énigmatique et formellement inventive. Il y avait donc un véritable défi scientifique à montrer ce dont la sociologie est capable sur un terrain qui ne lui est, a priori, pas favorable.
Pourquoi Franz Kafka écrit-il ce qu’il écrit comme il l’écrit ? Pour répondre à la question, Bernard Lahire examine, grâce aux outils de la biographie sociologique, la fabrication sociale de l’auteur du Procès, depuis les primes expériences familiales jusqu’aux épreuves les plus tardives. En entrant dans les logiques mentales et comportementales de Kafka, il saisit non seulement les raisons qui le conduisent à être attiré par la littérature, mais il se donne les moyens de comprendre autant les propriétés formelles de son oeuvre que la nature des intrigues qu’il déploie en faisant travailler une série de questions qui composent sa problématique existentielle.

Dans ce livre magistral qui, au-delà du cas de Kafka, pose les fondements d’une théorie de la création littéraire, les oeuvres apparaissent comme autre chose que des solutions esthétiques à des problèmes formels ou que des manières de jouer des coups dans un « champ littéraire ». Les oeuvres sont aussi des points de vue sur le monde, des manières formellement spécifiques de parler du monde mises en oeuvre par des créateurs aux expériences sociales singulières.
« La naissance du lecteur doit se payer de la mort de l’auteur », écrivait Roland Barthes. Pour sa part, la lecture sociologique (ou historique), en tant que lecture scientifique, doit au contraire faire renaître l’auteur – un auteur socialisé et non sacralisé – pour rendre raison de ses textes.