Cet axe correspond aux projets convergents de recherche du GRESCO, encore renforcés par l’arrivée de nouveaux membres au sein du laboratoire, autour de la construction des groupes professionnels, de la catégorie de professionnalisation et du travail d’expertise et de réforme. Il vise en outre à faire dialoguer ces diverses recherches, dans une perspective commune de sociologie des catégories et des classements, avec celles déjà appréhendées sous un angle différent, dans l’axe 1 : il s’agit notamment ici, mais pas seulement, d’interroger le rapport entre les systèmes d’enseignement et le marché du travail.

L’étude des catégories et des classements est une approche fondatrice de la sociologie, qui s’inscrit notamment dans la filiation durkheimienne (les catégories et les classements comme institutions). Elle revient sur des catégories naturalisées en interrogeant les conditions de leur invention et de leur institutionnalisation d’une part, en réfléchissant d’autre part au travail de représentation cognitive (savante ou profane) et politique et à ses effets d’institution des groupes sociaux et des problèmes sociaux. Il y a donc un parti pris théorique, largement partagé, dans cette façon d’aborder un certain nombre de « problèmes » ou de « questions » sociales comme n’allant pas de soi. Le titre des deux programmes (« Professionnalisation » ; « Expertise et réforme ») correspond ainsi à des catégories que les recherches interrogent.

Premièrement, on se propose d’étudier les rapports entre le moment de l’observation de la société, celui de la construction des catégories de classement et d’analyse, celui enfin de l’administration du social. Il s’agit d’être sensible aux catégories de classement et d’analyse présents dans nos champs de recherche, qu’ils soient savants (universités, linguistique, psychologie, etc.), experts (lobbyistes, spécialistes professionnels) ou profanes (savoirs indigènes ou savoirs savants interprétés ou réappropriés selon la logique indigène).

Objectiver les univers que nous étudions, c’est faire une histoire de leurs savants, experts, hagiographes, théoriciens, etc. qui soit aussi celle de leurs trajectoires sociales, des champs qu’ils constituent, des réseaux dans lesquels ils sont insérés, qui, même dans les univers les plus savants, débordent largement l’univers académique. En construisant leurs objets, leurs concepts, leurs méthodes, ils énoncent des « problèmes sociaux » et, en posant les questions, donnent aussi les réponses. Enjeux internes aux champs disciplinaires et enjeux de société se nouent dans les rapports entre acteurs comme dans les méthodologies et les propositions scientifiques.

Deuxièmement, les groupes sociaux identifiés à une profession, à un métier, à un statut contribuent à façonner des hiérarchisations du travail ; ils y imposent des formes de domination socio-économiques ou symboliques, qui génèrent des résistances plus ou moins fortes tant de la part des pouvoirs publics que de celle de groupes concurrents. Au-delà des formes institutionnelles de représentations en corps (par exemple : en syndicats, en associations, en groupements d’intérêts, en chambres consulaires, etc.), ils cherchent à exister socialement — ou plus exactement à se rendre visibles socialement —, par un discours sur eux-mêmes, et, plus encore sans doute, par un discours sur les autres (les administrés, les groupes concurrents, les destinataires de la réforme, etc.). On peut alors prendre pour objet plusieurs types de savoirs produits par et autour des univers étudiés : un savoir « endogène » ou indigène, réfractaire à l’objectivation, qui accomplit des fonctions d’établissement du groupe ; un savoir « savant », qui contribue en partie à construire socialement le réel. Les réformateurs peuvent s’appuyer sur ces deux types de savoir et/ou élaborer eux-mêmes des instruments d’observation et des catégories de classement tout en fournissant un langage et des outils qui permettent de concevoir des politiques publiques.

Les deux programmes et leurs deux volets se répondent et sont animés par une problématique commune : de ce fait, les chercheurs seront amenés, selon leur objet (en particulier quand ils travaillent sur des groupes d’experts), à s’inscrire dans l’un ou l’autre programme. Ainsi, les activités d’expertise et le travail réformateur (programme 2) peuvent-ils être étudiés sous l’angle de leur professionnalisation (programme 1). De la même manière, on peut envisager le travail d’expertise en deux temps successifs qui correspondent aux deux programmes : l’émergence professionnelle du groupe des experts d’une part ; leur travail d’évaluation, de préconisation et de mise en œuvre des réformes d’autre part. Inversement, d’autres groupes professionnels (programme 1), faute d’une représentation symbolique et politique organisée, sont davantage objet qu’acteurs de réformes (programme 2).

Programme 1 : Professionnalisation

1.1 : L’émergence des groupes professionnels

1.2 : L’injonction à la professionnalisation des formations

Programme 2 : Expertise et réforme

2.1 : Acteurs de l’expertise et de la réforme : groupes, réseaux, trajectoires, dispositions

2.2 : Dispositifs, langage et enjeux de la réforme

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