L’axe de recherche intitulé « Trajectoires et certifications : sociologie des apprentissages » s’intéresse aux processus, aux mécanismes et aux dispositifs d’apprentissages au sein des structures  (écoles, centres de formation, entreprises, etc.) qui les valident et les certifient et, plus largement, au sein des instances classiques de la socialisation  (familles, quartiers, associations, entreprises, métiers, etc.) ; logiquement, l’axe inclut l’analyse des trajectoires que les étapes (les normes et les codes) de tout apprentissage imposent à l’individu et au groupe dont il fait partie (ou dont il est issu). Si l’on considère les trajectoires, par exemple, il est facile de voir qu’elles s’esquissent très tôt, dans le cadre de la famille et dans le groupe des pairs, dans la vie de chaque individu ; de même, elles prennent forme certes à l’école (dans une société où la scolarisation est obligatoire), mais, plus précisément encore, elles donnent son rythme au cursus des élèves.

             Par rapport aux normes institutionnelles, le « destin  social » de chaque jeune est singulier ; il se dessine de façon distinctive et sur un mode inégal ; le sociologue, en effet, observe la différenciation des parcours scolaires et la distribution de leurs formes singulières (il est question d’élèves « à l’heure », en échec, en réorientation, qui passe de l’enseignement « général » à l’enseignement « technique », du « technique » au « professionnel » ou à l’inverse,  du « marché » de l’enseignement privé à celui de l’enseignement public, etc.). La description fine des trajectoires individuelles tente de saisir le « vécu » de ces « destins », étape après étape, épreuve après épreuve, sans jamais pour autant invalider les théories explicatives qui prennent en compte les capitaux hérités (économique, social, culturel et de classe…). Ces théories sont a priori moins enclines à considérer les phases successives de chaque parcours, aussi est-il nécessaire de les infléchir, pour appréhender les facteurs complexes et articulés qui déterminent les parcours ainsi que l’expérience subjective des individus concernés.

              Tout apprentissage donne sa forme concrète à une trajectoire individuelle. Si les normes, les codes et les moyens mis en œuvres dans le cadre des apprentissages sont des données collectives, donc partagées dans une large mesure, des forces opposées, en revanche, les traversent (et peuvent en bouleverser le cours) ; les socialisations sont parfois nettement dissonantes entre elles : par exemple, les certifications de toutes origines, héritées du « réformisme » éducatif des sociétés contemporaines, sollicitent — pour les mobiliser — l’ensemble des familles issues tant des « classes populaires » que issues des « classes moyennes » en faveur de scolarités allongées (et valorisées de par leur allongement même). Les épreuves scolairement normées qu’elles comportent obligatoirement mettent souvent en péril l’insertion professionnelle attendue ou espérée justement par les groupes les plus socialement démunis (et qui en auraient le plus besoin).

          Désormais, l’action publique intervient à tous les niveaux de la formation et de l’apprentissage : cartes de formation régionales, instauration du baccalauréat professionnel en trois ans, dispositifs d’orientation « active », et enfin réformes de l’enseignement supérieur qui vont dans le sens d’une « autonomie » des universités (loi de 2007). Si bien que la retouche du « paysage » des apprentissages et le remodelage des structures de formations qui les encadrent (et les rendent socialement possibles), placent donc les jeunes et leurs familles dans des contradictions dont ils ne connaissent pas toujours, loin s’en faut, la genèse, ni ne détiennent le code d’usage c’est-à-dire à leur usage. Face à de telles situations, ils sortent  rarement « par le haut ».

             En aval de l’école (centres d’apprentissage, lycées professionnels, dispositifs d’insertion), les trajectoires , une fois insérées dans la vie de travail et dans l’emploi, changent de sens : elles tendent à se confondre avec les enjeux (plus larges) de mobilité et/ou de reconversion (professionnelle) : elles se structurent, s’infléchissent, se réorientent parfois, grâce aux apports des « acquis de l’expérience » et de ceux de la formation continue. Ce retour du « souci de formation » et du « besoin de certification », généré par la logique même du travail exercé, se traduit, depuis les lois de 1985 et de 2002, par l’octroi de « validations d’acquis » (VAP et VAE).

             L’ensemble de ces considérations conduisent le GRESCO à proposer une approche de la « sociologie des apprentissages » (au sens large du mot apprentissage) selon deux programmes complémentaires de recherche pour le prochain quadriennal :

Programme 1 : Les trajectoires au risque des apprentissages

Programme 2 : Le diplôme au risque de la certification

La présentation des programmes peut être téléchargée ICI