La construction sociale des économies informelles au Gabon: le cas des activités commerciales domestiques.

Sous réserve d’autorisation par les rapporteur·es, j’ai le plaisir de vous inviter à ma soutenance de thèse qui se tiendra le mardi 17 décembre à 14h. Celle-ci se fera en salle Mélusine à la MSHS (bâtiment A5 sur le campus de Poitiers).

Résumé :

Cette thèse s’intéresse aux modes de construction et de régulation des activités commerciales à domicile institutionnellement catégorisées d’informelles. L’enquête ethnographique s’appuie sur l’analyse des trajectoires professionnelles d’entrée dans l’activité commerciale et les modalités de maintien dans l’activité de vingt commerçants gabonais et immigrés. Ces hommes et femmes aux situations socioéconomiques, professionnelles et/ou administratives précaires ont été suivis pendant plusieurs séjours de terrain durant trois années. Les matériaux empiriques sont constitués d’entretiens biographiques, de conversations informelles et de séances d’observations multi-situées de l’exercice commercial, au domicile des enquêtés, dans leurs espaces d’approvisionnement et d’autres milieux de sociabilités mobilisés par ces derniers dans le cadre de leurs activités économiques. La thèse montre que l’entrée dans ces activités économiques constitue un choix par défaut dans la quête de moyens de survie. Elle montre aussi que ces commerçants se trouvent malgré tout enfermés dans ce statut d’informel du fait des contradictions entre le discours étatique prônant la lutte contre les économies informelles et les pratiques corruptrices impliquant les agents régulateurs et les jeux politiques des hauts fonctionnaires de l’État. Une réalité par laquelle régulation de contrôle de l’État et régulation autonome des commerçants se trouvent imbriquées, restreignant ainsi les réelles possibilités de sortie « formelle » du statut d’informel. La quête de moyens de survie reste dans ce contexte, l’objectif principal poursuivi par ces individus, reléguant en arrière-plan l’idée de formalisation ou d’enregistrement administratif de leurs activités commerciales. Pour cela, ils mobilisent des dispositions personnelles, des ressources sociales et symboliques propres ou tirées des réseaux de sociabilités auxquels ils appartiennent pour se maintenir en activité. Parmi ces ressources figurent les relations sociales (membres de la famille, connaissances, interconnaissances et réseaux de sociabilités professionnel, associatifs, religieux, amicaux) ainsi que les us et pratiques coutumières, les codes et symboles de communication mobilisés pour entrer et se maintenir en activité économique. Ces mécanismes de fonctionnement autonome laissent par ailleurs entrevoir des rapports paternalistes entre acteurs sociaux. Autrement dit, les modalités d’entrée et de maintien des individus dans ces activités commerciales informelles sont traversées par des rapports sociaux, de contrôle, de pouvoir et d’obligations, mais aussi, de bienveillance, d’affections et d’affinités, légitimés par les positions hiérarchiques des uns et des autres dans différents milieux sociaux. Ces stratégies de maintien dans l’activité professionnelle en dehors du système de régulation officielle impliquent également des agents de l’État, simples fonctionnaires comme acteurs politiques, à travers des pratiques corruptrices et des jeux politiques clientélistes, participant de la construction et de la perpétuation de ces réseaux informels dits parallèles, mais tout aussi imbriqués dans le système de régulation public.

Jury :

Emery ETOUGHE-EFE, Maître de recherche en sociologie du travail et des organisations, CENARES, Libreville/Gabon, examinateur.

Jean Louis LOGNON, Maître de conférences de sociologie, laboratoire de Sociologie Economique et d’Anthropologie des Appartenances Symboliques (LAASSE), Institut d’Ethno-Sociologie (IES), Université Félix Houphouët Boigny, Abidjan/Côte d’Ivoire, rapporteur.

Adelina MIRANDA, professeure d’anthropologie, laboratoire Migrinter, Université de Poitiers, examinatrice.

Christian PAPINOT, professeur de sociologie, laboratoire Gresco, Université de Poitiers, directeur de thèse.

Anaïk PIAN, professeure de sociologie, laboratoire LinCs, Université de Strasbourg, rapporteure.